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En ce début d’année, dans la religion catholique, va être célébrée l’Épiphanie, c’est-à-dire le jour où les rois mages sont arrivés à Bethléem devant l’étable. C’est cette même étable qui abritait Jésus et ses parents, sous le regard du bœuf et de l’âne. C’est de l’âne précisément dont cet article va traiter car cet animal est très présent dans de nombreuses traditions. Animal ambivalent, tout à la fois vénéré et méprisé. Ainsi, dans Les Fables, de La Fontaine, parmi les 125 animaux représentés, alors que la célébrissime cigale n’apparaît qu’une seule et unique fois, on compte vingt occurrences pour l’âne ! 

Lubricité et stupidité:

Quant à la prétendue stupidité de l’âne, elle est illustrée par le bonnet d’âne dont on coiffait les ignorants à l’école … alors qu’il s’agissait en réalité de transmettre l’intelligence de l’âne par ce biais. À ce propos, on peut se demander si ce bonnet ne renvoyait pas plutôt au maître d’école, incapable d’éveiller et d’élever son élève… De même, si le roi Midas a été affublé d’une paire d’oreilles d’âne, c’est qu’Apollon voulait  sans doute lui transmettre la qualité d’écoute des ânes, leur réceptivité.

Un animal sacré

L’âne, ce méconnu, ce mal-aimé, est porteur d’une symbolique très positive. C’est bien lui qui transporta Marie sur son dos pour la mener à l’étable. Dans l’Ancien testament, on trouve déjà l’âne -ou plutôt l’ânesse- du devin Balaam qui avait été chargé de maudire Israël ; c’est grâce à son ânesse qu’il finit par bénir Israël. Dans cet épisode, c’est l’ânesse qui voit l’ange de Dieu, qui parle à son maître comme un humain et le convainc. 

C’est enfin, monté sur un âne -ou une ânesse, que Jésus fit une entrée triomphale  à Jérusalem, salué par des feuilles de palmier lors de la fête des Rameaux qui précède la Passion. D’ailleurs au Moyen-Âge était célébrée la « fête des ânes », au commencement de Carême, qui sera supprimée à la fin du XVIIe siècle à cause des débordements. La tradition biblique souligne aussi bien ses qualités d’humilité, de dévouement et d’amour mais aussi d’élévation spirituelle. C’est pourquoi il est le compagnon préféré des saints et des moines, pour ne citer par exemple que le moine Buridan, devenu célèbre grâce à son âne. Quant à l’âne sauvage, l’onagre, il symbolise l’ascèse des Pères du désert, vraisemblablement car aucune eau vénéneuse ne peut attaquer la corne de cet animal dont la mâchoire est par ailleurs si solide que, grâce à une seule, Samson a pu tuer mille ennemis. Enfin, la légende veut que le 6 décembre, Saint-Nicolas distribue des friandises dans les souliers des enfants sages alors que dans ce des enfants pas sages, il dépose une crotte de son âne, généreux pour ce qui est de la matière…fécale !

Une bête de travail

On le rencontre dans les évocations traditionnelles du milieu rural car c’est un animal particulièrement robuste : par rapport à sa taille, il peut porter 20 à 30 % du poids de son corps. C’est sans doute pourquoi il est représenté comme un animal harassé de fatigue voire paresseux… et pour cause !

Un champion de la protection

 Il symbolise également l’aptitude à être au service des autres car il est gentil et doux. Il peut se montrer très patient avec les jeunes enfants qui peuvent l’approcher sans risque. Et, s’il braie  très fortement, c’est pour rester en contact avec les autres membres de son troupeau et pour donner l’alarme en cas de danger. Il manifeste ainsi une attitude protectrice, et c’est peut-être ce symbole de la protection qui est à l’origine du conte de Perrault, Peau d’âne

On lui reconnaît également un caractère solide et stable, il est gentil et doux. En outre, il a un sens aigu de préservation de soi, si bien que, lorsqu’il a deviné une menace, rien ne saurait le faire avancer ni aller là où il ne veut pas, d’où sa réputation d’entêtement, bien mal méritée… 

Un symbole d’énergie positive

L’âne incarne donc également l’endurance, la patience, le courage aussi bien dans le travail que dans sa constance malgré les châtiments et les coups. D’ailleurs l’âne s’éduque mais ne se dresse pas, contrairement à son fougueux cousin le cheval.

Pourtant ce maudit, ce « réprouvé » dont parle Victor Hugo dans son magnifique poème « Le crapaud », incarne la sobriété, aussi bien par la quantité que par la qualité de la nourriture. Il se contente des herbes délaissées par les autres herbivores, les plus dures et les plus désagréables, ainsi qu’on peut le voir par exemple dans le tableau de Botticelli, la fuite en Égypte: l’âne que l’on voit au premier plan est en train de brouter des végétaux épineux qui peuvent bien évidemment préfigurer aussi la couronne d’épines

Un éveilleur de conscience

L’âne serait-il finalement un éveilleur de conscience ? C’est un animal sympathique, réfléchi. Par sa constance, il ne change pas d’avis comme de chemise car il sait ce qu’il veut ; d’ailleurs « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». Il avance de manière lente et calculée, sans dévier de sa route ni se laisser influencer, même sous les coups et les huées. Un modèle de sagesse pour l’homme ! Quant à la double symbolique qui lui est attachée, elle renvoie à celle de l’humain, caractérisée par son hybridité : mi-homme mi-animal.

Qualités d’intelligence, de cœur, de force physique, l’âne, au-delà de son caractère sacré évoqué dans des textes fondateurs, peut être finalement un modèle à suivre voire un éveilleur de conscience….

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