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Aux origines de la crêpe, la lumière

« J’aime la galette, savez-vous comment ? Quand elle est bien faite, avec du beurre dedans ! » Alors, crêpes ou galette ? Simple question de point de vue, de géographie et de saveur !

En revanche, les origines de la crêpe sont connues:  aussi anciennes  que protéiformes puisqu’elles plongent leurs racines dans de nombreuses mythologies, toutes liées  à la dualité de la lumière et de l’obscurité.

L’amour d’une mère et l’alternance des saisons :

Le mot « Chandeleur » est en effet associé à la lumière car il vient du latin  «candela » (= chandelle). Et pourtant, c’est à  la mythologie grecque  que nous devons cette tradition. À l’origine, il y a l’extraordinaire amour d’une mère pour sa fille. La déesse de l’agriculture et des moissons,  Demeter, avait une fille tendrement aimée, Perséphone. Mais Hadès, le dieu des enfers, tomba amoureux de la belle et l’enleva. Folle de douleur et d’inquiétude, sa mère la chercha partout jusqu’aux Enfers, une torche à la main, le chagrin au cœur, et oubliant de fertiliser le sol. Une grosse famine sévit alors sur la terre. Il fut convenu que Perséphone passerait six mois auprès de sa mère sur terre et six mois auprès de son époux aux Enfers. Ainsi, le retour de la fille bien-aimée sur Terre signe le retour de la végétation et le rythme des saisons. Déméter est représentée  comme porteuse de blé et de flambeaux, représentations  caractéristiques de cette déesse (Cérès chez les Romains, bien connue des philatélistes). C’est en souvenir de la déshérence de Déméter tenant une torche à la main qu’apparaît un rite célébrant, avec le retour de Perséphone auprès de sa mère, le retour du printemps.

Purification et fécondité :

Une semblable fête était célébrée chez les Celtes, le 1er février : une fête de purification et de fécondité qui marquait  la fin de l’hiver le début du printemps, à mi-chemin entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps. Une déesse était associée  à cette célébration, Brigid, devenue  Sainte Brigitte, patronne de l’Irlande au même titre que Saint-Patrick. Les paysans portaient des flambeaux et parcouraient les champs en procession afin de purifier la terre avant les semailles.

Les Romains quant à eux célébraient les Lupercales le 2 février, en l’honneur de Lupercus, dieu de la fécondité et des troupeaux. Pour l’occasion, entre autres manifestations, on organisait des défilés aux flambeaux à Rome pendant la nuit, on mangeait  des galettes de céréales à la lueur des torches.

La lumière du Christianisme :

Puis s’installa l’Eglise qui entreprit de réformer les mœurs et surtout de christianiser les fêtes païennes. C’est pourquoi, au IVe siècle après Jésus-Christ fut instituée la fête de la Chandeleur ou fête de la Présentation de Jésus au temple, 40 jours après Noël. En effet, dans la tradition hébraïque, 40 jours après la naissance pour un garçon et 80 pour une fille, Marie et Joseph vont au Temple pour accomplir la loi de Moïse : la purification de la mère et la consécration à Dieu du tout premier-né mâle. Un prophète déclara que Jésus était  « la lumière qui se révèle aux nations ». C’est ainsi que cette fête fut associée aux chandelles, christianisant du même coup des traditions hivernales païennes  bien ancrées. Rome organisa alors des processions nocturnes à la lueur de cierges ou de chandelles qui étaient  ensuite bénis  à l’église pour assurer de bonnes récoltes -tradition de bénédiction des bougies qui perdure de nos jours.  C’est également à cette époque de l’année que des crêpes était distribuées aux pèlerins qui se rendaient à Rome. On se servait de la farine excédentaire pour confectionner des crêpes, symboles de prospérité pour l’année à venir.

Retour de la lumière du printemps :

Aujourd’hui, dans de nombreux pays d’Europe ainsi qu’aux États-Unis, cette fête coïncide avec le jour de la marmotte ou les célébrations de l’ours : c’est une façon de fêter la sortie de l’hibernation, moment où l’animal sort de sa tanière pour voir si le temps est clément. Pour l’occasion, y sont organisés des feux de joie et des processions aux flambeaux.

Les crêpes comme de petits soleils :

Cette recherche de lumière à la sortie de l’hiver serait à l’origine de la fabrication des crêpes. Leur forme ronde et leur couleur dorée  évoquent le soleil et le retour du printemps après la saison froide et sombre : le moment de l’année où les jours s’allongent de plus en plus vite : « À la Chandeleur, l’hiver se meurt, on prend en vigueur » ou « à la Chandeleur, le jour croît de deux heures ».

Il existe encore tout un rituel  symbolique qui préside à la confection des crêpes : le Louis d’or dans la main droite ; la première crêpe, ratée comme il se doit, toujours gardée au sommet d’une armoire au long de l’année pour garantir prospérité et abondance des récoltes. A l’occasion de la Chandeleur, toutes les bougies de la maison devraient être allumées et il faudrait attendre cette date pour ranger la crèche de Noël.

Ainsi, la Chandeleur constitue la dernière fête du cycle de Noël. En outre, elle marque le début de la période de Carnaval.

Pas de nuit sans lumière :

« Plus claire la lumière, plus sombre l’obscurité… Il est impossible d’apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres », Jean-Paul Sartre.

Dans notre l’Occident imprégné de Judaïsme, la nuit  renvoie à la peur ancestrale du noir, à l’angoisse du vide et du silence, à la face obscure des choses. À l’inverse, la lumière est associée au côté positif de notre nature humaine, à notre raison. Là encore, les expressions font florès. C’est dans notre pays qu’est né le siècle des Lumières puis le Positivisme d’Auguste Comte, au XIXe siècle…  la lumière, vecteur de progrès intellectuel, triomphe de la raison. Mais aussi sagesse, lucidité, intelligence.

Le jour et la nuit, le Yin et le Yang qui se retrouve en toute chose et dans tous les êtres. Mais aucun n’est meilleur que l’autre, selon car, selon les philosophies d’Extrême-Orient, la clé de l’équilibre et de l’harmonie réside dans le mariage de ces deux contraires. Il en va de même pour le jour et la nuit. Il n’y a pas de nuit sans jour. L’un et l’autre se complètent et s’engendrent. Éclairer la nuit, c’est la transformer en jour.

« J’aime la galette, savez-vous comment ? … »

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