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Cet article est le troisième et dernier d’une série consacrée à l’intelligence émotionnelle. Dans le premier, j’ai tracé un historique de la genèse de ce concept. Antonio Damasio a montré que, pour que le raisonnement d’un individu soit juste et que sa décision soit appropriée, il doit avoir accès à ses émotions. Plus tard, Daniel Goleman a publié une synthèse sur ce sujet en 1995:  l’intelligence émotionnelle est la capacité à reconnaître, comprendre et gérer ses émotions.

Ce même  concept avait été évoqué par Confucius, plus tard par Aristote puis Spinoza, Descartes.

Dans le deuxième article, j’ai explicité les relations entre l’intelligence émotionnelle et le stress, à la lumière des travaux de Henri-Laborit qui ont mis en évidence la structure du cerveau avec notamment sa partie la plus ancienne, le cerveau reptilien. 

Dans ce troisième et dernier article, je m’attarderai sur la manière dont cette composante  peut impacter les relations dans un groupe : dans un cadre scolaire et dans un cadre professionnel. 

Dans le cadre de l’entreprise :

Les recruteurs américains,  imités depuis par les recruteurs français, opèrent un mode de sélection via le Q.E. (quotient émotionnel).  Il s’agit de recruter les collaborateurs qui valident les soft skills.

Les « soft skills »

Les soft skills ou compétences douces sont des moins techniques que transversales. Il s’agit de qualités humaines, relationnelles, de savoirs comportementaux. Une aptitude mise en œuvre dans la pratique quotidienne du management en entreprise. Elle n’est pas liée à un métier en particulier mais plutôt à un contexte. Parmi les soft skills figure la créativité c’est-à-dire la capacité à imaginer puis à réaliser des solutions innovantes, la pensée critique qui fait appel à des arguments rationnels et son corollaire la négociation,  la gestion de situations comme la conduite du changement, la résolution de problèmes complexes, la gestion du stress, la prise de décision, l’esprit d’équipe, etc.  La liste peut être encore longue.

Ce qui est certain, c’est que les compétences techniques peuvent-être rapidement amener à l’obsolescence alors que les soft skills permettent aux individus la souplesse, l’adaptabilité, qui leur permettra de s’adapter à un environnement changeant tout en restant performant. Il s’agit là d’une valeur ajoutée dont les recruteurs sont bien conscients.

Une méta-capacité

Parmi ces soft skills se trouve l’intelligence émotionnelle, méta-capacité ombrelle des autres. En effet, manager une équipe ce n’est pas dominer mais c’est savoir persuader les autres de coopérer et de collaborer pour atteindre un but commun, ce qui constitue la base même de la motivation. Il s’agit là d’une forme de communication non violente (voir l’article sur la C.N.V. sur ce blog). Ainsi par exemple la communication verbale doit éviter les tournures négatives, le vocabulaire évaluatif et péjoratif ; le ton employé avec les collaborateurs n’est ni péremptoire, ni sarcastique, ni ironique. Il pourrait générer un sentiment d’humiliation, de rejet, d’impuissance. Une critique est plus constructive et a plus d’impact si le locuteur est précis, direct, , s’il reste positif, ouvre l’échange en envisageant une autre solution, s’il fait preuve d’empathie, de bienveillance, faute de quoi l’interlocuteur se sent  dévalorisé ou attaqué. Le bon leader est celui qui maîtrise ces compétences et est également attentif à toute la dimension non verbale de la communication : outre le ton de la voix, le geste, la posture, les expressions faciales. 

Et à l’école :

L’école favorise l’apprentissage de compétences cognitives au détriment de l’intelligence émotionnelle. C’est ce qui explique le fait que le sentiment de mal-être à l’école est bien plus important en France que dans d’autres pays tels les pays scandinaves. À l’école et dans le cadre familial,  ainsi que dans le monde de l’entreprise,  les mêmes aptitudes sont requises chez l’éducateur, parent ou enseignant, que chez le collaborateur : écoute, bienveillance, empathie, etc. Les chercheurs en sciences de l’éducation ont montré depuis longtemps l’énorme impact de ces compétences sur les individus en situation d’apprentissage, qu’il s’agisse du jeune enfant à l’école maternelle ou de l’étudiant.

Edward Thorndike (américain, 1874-1949) a été le précurseur du behaviorisme (ou comportementalisme, qui étudie les interactions entre l’individu et  son environnement) ; il s’est intéressé à l’éducation, s’ étonnant de la façon dans l’humain élève ses petits en les abreuvant de connaissances abstraites et en développant assidûment leurs compétences individuelles, tout en négligeant leur aptitude innée pour communiquer avec les autres, s’insérer dans un groupe et intégrer de nouveaux membres, coopérer en traitant des émotions. Les cours de récréation sont des lieux où on peut observer la mise en œuvre ces aptitudes chez les garçons comme chez les filles, bien que sur un mode différent. C’est ce psychologue qui préconise l’apprentissage par « essai et erreur » dans un contexte stimulant et sécurisant, pour que l’erreur ne soit pas stigmatisante.

Se mettre à  hauteur de l’enfant, lui permettre l’expression de ses émotions et pour cela lui donner accès à différents moyens d’expression, lui apprendre  à nommer les émotions à leur juste niveau en les nuançant, c’est développer son intelligence émotionnelle.

Un programme d’éducation véritablement humaniste et porteur de belles promesses !

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