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Le stress

Dans le précédent d’article paru sur ce blog le mois dernier, j’ai évoqué l’intelligence émotionnelle, rappelant  notamment l’historique de ce concept. Ce terme d’émotion vient d’un verbe latin qui signifie « mouvement » (« movere,  motum », racines  à l’origine des mots tels que « motivation », « moteur », « immobilier », « automobile », etc.). Il y a quatre  émotions de base : la joie, la tristesse, la peur, la colère -les autres émotions, dites secondaires, sont des mélanges de ces émotions de base. Chacune d’elles mobilise  certaines parties du corps car c’est une réponse à une situation donnée. Ainsi, dans la colère, l’énergie est activée dans les bras et les poings, ce qui nous prépare à exprimer physiquement la colère en tapant du poing par exemple. La peur quant à elle mobilise plutôt les jambes. La joie est la seule émotion qui s’exprime à travers le corps entier. En outre, chacune d’elles peut se manifester à des degrés différents :  par exemple la peur peut aller de la simple appréhension à la terreur absolue. Le stress correspond à un niveau de peur.

A l’origine, la structure du cerveau

Henri-Laborit a mis en évidence la structure du cerveau dont la partie la plus ancienne est le cerveau reptilien, cerveau de la survie primitive déclenché par les émotions dans le cas de l’ agression physique par un ennemi externe. C’est là que nous gardons trace, dans nos réflexes, de la programmation primitive instinctive destinée à nous défendre d’un danger externe. Ensuite  s’est développé le cerveau limbique, lieu de la mémoire émotionnelle qui amène le déclenchement d’un fonctionnement automatique. Ce cerveau est trois fois plus lent que le reptilien. Enfin, le cortex récent, capable de fonctions cognitives supérieures : logique, anticipation, mémoire  émotionnelle.  Il est dix fois plus lent  que le limbique.

Le cerveau reptilien et le stress

 Henri-Laborit a vulgarisé les connaissances concernant le stress : ce phénomène correspond donc à un mécanisme primitif de survie qui a son origine dans la structure de notre cerveau. Or, à l’origine, cet ennemi représentait un danger de mort imminente. Le stress est ainsi une réaction bénéfique de défense pour la survie.

Il y a trois programmes de réponse à un état de stress : la fuite, la lutte, l’inhibition.

Dans la fuite, le sujet refuse de voir le problème, se voile la face, Il en résulte des réactions prématurées, des jugements hâtifs, de l’incohérence. Dans la lutte, se manifestent là aussi des jugements hâtifs mais aussi de la colère, un sentiment de persécution, la recherche d’un bouc émissaire. Dans l’inhibition enfin,  c’est un respect sage qui est mis en œuvre, pouvant aller jusqu’au repli, la méfiance, la rétention d’informations  voire la passivité

Chacune génère des réactions prématurées et fermées à l’environnement. Il s’agit de réactions bien sûr inconscientes instinctives qui ne nécessitent aucun apprentissage. Les conséquences peuvent être lourdes pour l’individu dans sa manière d’analyser et de réagir à l’environnement, dans sa relation à l’autre, et au niveau d’un collectif. Autre conséquence, le stress est dommageable à la plasticité du cerveau qui se réduit alors durablement.

Des réponses inadaptées.

Historiquement donc, le stress a  pour fonction de nous protéger des dangers qui menacent de mort imminente. Or, on le voit, ces  réactions, devenues disproportionnées, constituent des réponses inadaptées : la plupart du temps, elles ne sont pas provoquées par des causes externes visibles. De nombreuses études ont montré qu’on ne peut pas identifier de cause externe réelle et, dans 90 % des cas, le stress se manifeste en situation sociale normale et en temps de paix… C’est un indicateur : il n’exprime qu’une perception subconsciente dénuée de cohérence et de logique, générée par les territoires automatiques du cerveau ancien et ne peut qu’entraîner une mauvaise gestion de la situation… à moins que le cortex récent accepte d’entendre les messages d’alerte et traite finalement la cohérence interne, faute de quoi c’est le cerveau reptilien prend les commandes. C’est donc bien ainsi qu’il faut comprendre le stress : deux fois sur dix, il s’agit de l’indicateur d’un dysfonctionnement interne, un traitement de la situation qui persévère dans un mode de pensée automatique, non adaptatif, face à une situation nouvelle ou complexe qui nécessiterait le cortex récent. Le stress nous indique que le problème est mal posé ; non seulement il rend « idiot» mais il nous appartient en grande partie. Nous n’en sommes pas coupables mais responsables

Catégories d’individus face aux émotions

Howard Gardner a identifié trois catégories d’individus, selon leur rapport à leurs émotions : ceux qui ont conscience d’eux-mêmes, savent maîtriser leurs émotions et les ajuster ; ceux qui se laissent submerger par elles et perdent toute distance ; enfin ceux qui acceptent leur disposition d’esprit sans réagir, avec le sourire des optimistes et la tendance dépressive des pessimistes.

L’alternative : l’intelligence émotionnelle

La clé de l’intelligence émotionnelle est là. Il s’agit, pour éviter le piège du stress, de passer une réponse automatique du cerveau ancien, qui est mobilisé « par défaut »,  à une réponse du cortex récent que nous ne sollicitons pas spontanément. ,

La maîtrise de soi, depuis Platon, est une vertu (voir l’article précédent sur ce blog). C’est l’intelligence émotionnelle qui permet de court-circuiter le cerveau émotionnel pour que le cerveau rationnel (le cortex récent) puisse reprendre le contrôle. Il s’agit d’abord d’être capable d’identifier les émotions, à commencer par les reconnaître : par exemple lorsque l’on est de mauvaise humeur, le percevoir c’est déjà ne plus l’être… Puis il y a l’auto motivation, c’est-à-dire la capacité à différer la satisfaction d’un désir ou l’expression d’une pulsion. Un autre domaine est la perception des émotions d’autrui ou l’empathie. Enfin, vient le domaine des relations humaines avec l’aptitude à entretenir de bonnes relations avec autrui. Il s’agit des «soft skills », c’est-à-dire des compétences humaines comportementales comme par exemple la gestion du temps, du stress, l’audace, la communication, la motivation, etc.

Comment développer son Q.E. ?

Développer son Q.E. ou intelligence émotionnelle, c’est d’abord être à l’écoute de ses émotions, puis les identifier et les  verbaliser. Le neurobiologiste Damasio montre que la raison et les émotions sont liées, que l’une ne fonctionne bien qu’avec l’autre. Le problème est que nous sommes identifiés à nos émotions : ainsi,  lorsque l’on est en colère, au lieu de verbaliser sa colère, on exprime plutôt des phrases telles que « j’en ai marre, quel abruti !». On n’a plus conscience du fait que c’est notre corps qui nous envoie un message.

Comment gérer les émotions négatives ?

Il faut être attentif à ses émotions négatives car elles nous alertent sur la nécessité de changer quelque chose, en soi ou dans son environnement, par le dialogue ou l’action. Derrière elles se cache un besoin qu’il faut reconnaître.

Première étape, il s’agit de se désidentifier de ses émotions, d’être à l’écoute de ses sensations, de son corps. Deuxième étape, il faut essayer de comprendre ce qui pose problème, ce qui est à l’origine de la réaction émotive, la cause profonde qui nous pousse à réagir. Troisième étape le cas échéant, se mettre en empathie avec l’autre afin de « décoder » ce qu’il exprime, se demander ce qu’il ressent. Quatrième étape, se demander ce que l’on souhaite vraiment et quel est le prix que l’on est prêt à payer. Dès lors, il s’agit d’accepter la situation, de l’améliorer ou bien de la quitter. C’est-à-dire reprendre la  maîtrise de la situation.

Des attitudes à cultiver

Les personnes qui ont un Q.E. développé ont en commun certaines attitudes : empathie, gratitude, discipline, confiance en soi, adaptabilité, affirmation de soi (savoir dire non), pensée positive.

Finalement, c’est avoir l’esprit ouvert, être prêt à apprendre de la vie et des expériences, échecs et réussites. Une attitude philosophique.

(à suivre)

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