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« Si on ramène le temps géologique à une année, l’ère quaternaire, pendant laquelle va se dérouler l’aventure humaine, ne représente que l’unique dernière heure du 31 décembre. », André Leroi-Gourhan.

Genèse de la parole née du geste

Dans un précédent article publié sur ce blog, j’ai eu l’occasion expliquer le rôle des neurones miroirs dans le développement de l’être humain et de la communication. Il y a 20 millions d’années, les hominidés possédaient déjà un système de neurones miroirs qui leur permettait d’identifier certains actes moteurs, comme saisir un objet dans la main, ce qui a permis une première forme d’imitation grossière de ce que fait l’autre. La bipédie a ensuite libéré les membres supérieurs dont les mains. Puis, avec l’homo-habilis, plus tard avec l’homo sapiens puis enfin avec l’homo sapiens sapiens, grâce à l’évolution du crâne, ce même système des neurones a continué de se développer. Ainsi, au cours de ces millions d’années, en même temps que se sont opérées des modifications anatomiques et neuronales, cette évolution a permis l’apparition de sons de plus en plus articulés, pouvant être associés à des gestes manuels exprimant des émotions comme la colère ou la joie. Se développe alors un mécanisme de contrôle de la voix qui permet des sons de plus en plus élaborés et sophistiqués, le langage, qui est le propre de l’homme. Ainsi, peu à peu les humains se sont libérés du système gestuel qui n’en continue pas moins d’être un système d’expression indispensable.

Les différents types de gestes comme moyens d’expression

Incontestablement, le geste n’est pas seulement un système alternatif de communication mais une aide au langage articulé : les gestes que nous faisons facilitent notre parole et rendent fluide notre expression orale avec laquelle ils entretiennent une relation privilégiée. C’est pour cela qu’ils sont qualifiés de « co-verbaux », car ils ont deux fonctions. Une fonction sémantique et une fonction pragmatique, favorisant ainsi la compréhension du message. 

 Parmi les principaux, citons tout d’abord les gestes qui représentent visuellement un objet, par exemple un rond dessiné avec les mains : ce sont les gestes dit « iconiques ». Il y a également les gestes déictiques, c’est-à-dire ceux qui servent uniquement à pointer des choses dans le temps et dans l’espace, et qui ne correspondent qu’à cette situation unique (« ici », « celui-ci », « aujourd’hui », « maintenant », etc.). Les gestes dits « emblématiques », quant à eux, sont associés à des expressions idiomatiques, par exemple « mon œil », « la barbe », etc. Parfois cependant un même geste peut avoir deux significations complètement différentes d’un pays à l’autre ; ainsi, le V de victoire n’a pas du tout la même signification en France qu’en Grande-Bretagne, on imagine bien alors les malentendus que cela pourrait engendrer… Enfin, on distingue les gestes qui ne représentent pas quelque chose de concret mais qui rythment le discours par des mouvements simples et rapides d’accentuation.

Ces gestes sont en redondance ou en complémentarité avec l’expression verbale mais participent de la clarté du message. Ils ont un rôle essentiel dans la prise de parole. Non seulement ils assurent la cohérence sémantique (« il a péché un poisson gros comme ça », le geste illustre la taille du poisson) mais aussi ils libèrent la parole. Les gestes servent à structurer un propos, à y insérer des éléments spatiaux et surtout ils soulagent le cerveau dans la recherche des mots. Parler longtemps sans le support des mains est très difficile car les mains disent ce que la bouche n’arrive pas ou ne peut pas exprimer.

L’expression verbale et gestuelle : les bénéfices

Geste et apprentissage de la parole

Le geste libère la parole. On le sait maintenant, car des études l’ont montré, la connexion gestes et paroles peut aider les personnes atteintes de trisomie 21 à mieux s’exprimer. Certains orthophonistes ont recours aux gestes pour aider la communication verbale. Il peut s’agir également de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, d’enfants souffrant de troubles spécifiques du langage ou bien des pathologies liées à des lésions cérébrales . D’autres exemples illustrent le propos. Entrant dans un magasin, le client pointe du doigt l’objet quand il passe sa commande en prononçant le mot, le doigt terminant sa course à ce même moment. Et le phénomène est observable quelle que soit la langue considérée. C’est très précisément sur la syllabe accentuée du mot que le geste de désignation s’achève. Et le petit enfant, lorsqu’il apprend à parler, désigne du doigt sa maman à l’instant même où il prononce « ma-« …

Tout en facilitant l’effort de verbalisation, les mouvements sont redondants, complémentaires ou compensatoires d’un déficit verbal.

Geste et apprentissage dans la mémorisation

Associer un mot à un geste améliore la mémorisation. En entraînant le contrôle moteur du bras, on améliore le contrôle moteur de la parole. Ce faisant, le geste permet de mieux mémoriser le mot: ce constat est à la base de la méthode de lecture de Borel-Maisonny, dans les années 1960, qui s’ appuie sur les effets croisés entre le geste et le langage. Lorsque le locuteur s’exprime en utilisant des ressources corporelles gestuelles, il trouve plus facilement ses mots, ce qui lui permet en outre de structurer plus efficacement son discours.

C’est donc le corps qui a permis l’apparition de la parole et c’est le geste qui, joint à la parole, l’étaie, le renforce, l’illustre, le structure.

Un auxiliaire indispensable !

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