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11 mai 2020. Fin du confinement. Les Français se réjouissent : c’est la vie qui repart, avec les balades redevenues possibles, dans la nature, sur la plage, les êtres chers que l’on peut revoir. « Revoir Paris », « revoir la France » d’une certaine façon, comme le chantait Charles Trenet. Mais si certains se réjouissent, ce sentiment de libération n’est pas partagé par tous. Une situation qui n’est pas sans rappeler qu’il y a 31 ans, le monde entier applaudissait, avec des larmes de joie, à la chute du mur de Berlin. Mais aujourd’hui, nombreux sont ceux qui aimeraient pouvoir de nouveau se protéger de ce monde grand ouvert, derrière un mur.

Communication difficile : le syndrome de la cabane

Le journal espagnol El Pais a utilisé le terme « syndrome de la cabane » pour désigner le ressenti des Espagnols, à l’instar de celui des chercheurs d’or en Californie, au début du XXe siècle, à l’issue du confinement pendant des mois dans des cabanes. C’est ce même sentiment qu’éprouvent des personnes, après une hospitalisation ou un séjour en espace clos, qui perdent une certaine sécurité et appréhendent de retrouver le monde extérieur.

Pourquoi cette crainte du déconfinement ?

Durant ces deux mois de confinement, la plupart des Français se sont mis à l’abri de certains enjeux sociaux et relationnels ressentis comme un poids, une agression externe. Ainsi, ces personnes peuvent éprouver de l’anxiété, voire de l’angoisse à l’idée d’aller dehors, de recôtoyer d’autres personnes, à l’extérieur, dans les commerces ou dans les transports en commun, ou au travail. Cette appréhension s’apparente à un processus de deuil : nous ne revivrons peut-être pas le quotidien d’avant le confinement. Il s’agit d’une nouvelle réalité qu’il faut affronter pour se s’approprier. Car cette nouvelle façon de vivre avec les masques, la distanciation sociale, les files d’attente, la menace toujours présente de la contamination par le contact des autres, peut faire peur. Cette crainte se traduit par une hypervigilance, caractérisée par des rituels obsessionnels de lavage et de désinfection.

Le syndrome de l’escargot : sortir de sa coquille

Ce repli forcé a modifié chez beaucoup d’entre nous la conception des relations avec les autres et avec soi-même : prendre soin de ses proches, de ses voisins, remettre en question ses habitudes, son mode de vie, redécouvrir l’importance des plaisirs simples. Pour certains couples, certaines femmes, ce fut la satisfaction de s’occuper elles-mêmes de tâches ménagères vécues comme une façon de prendre soin des leurs. Mais bien sûr, c’est aussi la découverte d’une forme d’introspection et d’une prise de conscience d’un temps précieux perdu dans les transports au détriment du temps consacré aux enfants, aux loisirs, aux sources d’épanouissement en général. Cette période de « liberté conditionnelle » a permis de mettre à jour un fort besoin de changement, phénomène qui avait été observé après les attentats du 15 novembre à Paris. C’est pourquoi, plutôt que de parler de « syndrome de la cabane », il est plus pertinent de parler de « syndrome de l’escargot », qui désigne l’envie de rester dans sa coquille rassurante, dans son cocon douillet, refuge à l’abri du stress, des agressions de la vie sociale et professionnelle. Finalement, une sorte de régression tout à fait compréhensible et humaine… Mais la grande affaire de l’existence n’est-elle pas de « grandir », d’affronter la vie, la vraie vie ?

La communication et la vie post-confinement ?

Pour trouver sa place dans cette réalité nouvelle de post-confinement, pour sortir en douceur de sa tour d’ivoire, il n’est pas nécessaire de se faire violence. Il faut commencer par mettre des mots sur ce ressenti, en parler avec ses proches, ses amis, puis pratiquer la politique des « petits pas » : se fixer des objectifs de sortie modestes, progressifs. Il faut aussi s’autoriser à rentrer dans sa coquille à la moindre alerte.

Une nouvelle idée du bonheur ?

Au-delà de cette aspiration légitime se pose la vraie question de la quête du bonheur dans notre Europe occidentale. La France ne se classe qu’en 31e position dans une étude sur la conception du bonheur. Peut-être faut-il y voir une sorte de bovarysme des Français dans leur posture d’éternels insatisfaits, de pessimistes chroniques ? Au contraire, et paradoxalement au regard du taux de suicides, le bonheur à la danoise c’est se protéger du froid et du manque de lumière en hiver, contexte climatique qui oblige un retour sur soi. Le « home sweet home » illustre l’idéal d’un havre de paix à l’abri du de la froidure hivernale, dans un décor chaleureux et rassurant où chacun peut trouver sa place dans un esprit convivial et solidaire. Idéal sous-tendu par le souci de prendre soin de soi pour être bien avec les autres et pour être en mesure d’affronter la difficulté de l’extérieur du monde. C’est une vision du bonheur qui s’oppose à celle véhiculée par les médias : la valorisation de l’ego (du moi), de l’avoir, du pouvoir, de la puissance, de l’argent, de la performance. Au contraire, dans ce bonheur à la mode scandinave, c’est sur le « soi », l’être, que sont basés les critères de bien-être et d’altérité.

Communication « équitable » entre intériorité et monde extérieur

Finalement, pour vivre hors de la cabane, le secret réside peut-être dans l’alternance de temps d’intériorité et d’extériorité avec des transitions simples et fluides pour passer de l’un à l’autre. La « cabane » est une métaphore, bien sûr : elle peut désigner un espace mental que nous pouvons créer en nous-mêmes, à la manière de l’escargot qui transporte sa cabane sur le dos…

Tout un nouvel espace intérieur à inventer ou à explorer…

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