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« Ah oui ! J’ai compris ! J’ai deviné… Laisse-moi finir…» Voici une phrase qu’on entend parfois quand on raconte une histoire : notre interlocuteur nous interrompt, impatient, car il a deviné la suite du récit. Il s’agit là encore d’un effet de la communication silencieuse, sujet que j’ai abordé dans les deux précédents articles de ce blog. 

La communication silencieuse

Depuis les années 1990, nous connaissons les neurones miroirs et leur importance capitale dans les apprentissages, la vie sociale, la communication en général et l’empathie en particulier. En effet, si ces neurones miroirs sont la clé de l’empathie cognitive, ils le sont également de l’empathie sensitive qui nous permet de nous mettre à la place de l’autre, de ressentir ses émotions… Nous lisons en permanence tous ces signes avec lesquels nous interprétons voire nous réinventons constamment la réalité. C’est un peu comme si nous avions spontanément et immédiatement accès aux intentions, conscientes ou non, de l’autre. Et c’est ainsi que les neuroscientifiques ont mis en évidence le fait que les mêmes neurones s’activent chez celui qui agit et chez celui qui regarde. Sur la base de ce constat, nous pouvons facilement imaginer que, indépendamment de toute interaction non verbale -mimiques, gestuelle, posture-, l’activité de ces mêmes neurones est semblable, dans les échanges verbaux, chez celui qui parle et chez celui qui écoute.

La communication silencieuse en « distanciel »

L’Académie des Sciences des États-Unis a mené une expérience dont les résultats sont étonnants. Grâce à un appareil qui enregistre les activités du cerveau, les scientifiques se sont rendu compte que, chez deux groupes isolés dans le temps et dans l’espace, les mêmes des activités du cerveau étaient enregistrées, chez les lecteurs-conteurs comme chez les spectateurs, dans des conditions analogues. Et même, ce sont les mêmes cellules qui sont activées. Ainsi, les auditeurs sont en communication silencieuse avec le conteur. Raconter une histoire, c’est aussi être en train de la comprendre : mobiliser les espaces du cerveau qui servent à mimer. 

Communication orale et communication silencieuse

Les chercheurs se sont aussi rendu compte qu’ il y a un décalage de trois à six secondes dans l’activation des cellules, entre le narrateur et l’auditeur. Le plus étonnant est sans doute le suivant : l’auditeur anticipe constamment sur l’histoire racontée, comme s’il précédait le conteur sur le chemin de son récit. Être en train d’écouter, c’est se projeter dans le futur, c’est être en train de prédire la suite de l’aventure et de l’imaginer, de l’inventer. Plus sa compréhension de l’histoire sera juste, plus il sera capable de précéder le conteur. Ainsi, écouter et comprendre, c’est mimer en nous des faits avec un léger décalage, mais c’est également prendre de la distance, par rapport au présent, être en avance sur ce qui va venir. Finalement, être sans cesse entre le passé d’un récit qui s’est déjà déroulé.

C’est pourquoi il peut nous arriver de demander à celui qui raconte d’accélérer, car nous pensons deviner voire connaître la suite. 

Communication silencieuse et improvisation

Cette anticipation perpétuelle sur les gestes et les intentions de l’autre, c’est également ce qui se passe dans les orchestres de jazz : lors d’une réelle improvisation, l’un des joueurs se met à jouer une musique que personne n’a jamais entendue, qu’il invente au fur et à mesure. Les autres musiciens se joignent à l’improvisation en devinant, en anticipant la musique de l’autre et en lui répondant. Ainsi nous improvisons chaque jour, consciemment ou pas, et chaque jour nous sommes en train d’anticiper, de nous projeter dans l’avenir. Et nos improvisations sont source de nouveauté, de cette créativité qui contribue à rendre belle la vie…

La communication silencieuse… Un territoire immense que nous n’avons sans doute pas fini d’explorer.

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