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De l’aliénation à l’accomplissement personnel ? Variations sur le 1er mai

Les origines du 1er mai, fête du travail

Cette fête a des origines américaines puisqu’elle est créée en 1884 afin d’obtenir aux travailleurs américains la journée de 8h. Outre-Atlantique, il s’agit du « Labor Day ».

Quant à cette date du 1er mai, elle correspondait à cette époque au premier jour de l’année comptable des entreprises qui pouvait ou non renouveler les contrats de travail. Or, en 1886, de nombreux mécontents se rassemblent pour manifester jusqu’à ce que la situation tourne au drame à Chicago, avec la mort de 3 ouvriers puis une bombe lancée sur la police. En 1889, le congrès socialiste international choisit le 1er mai comme journée de revendications avec le même objectif que les travailleurs américains. Semblable situation qu’à Chicago se répéta dans le nord de la France : l’armée tire sur la foule, faisant des morts et de nombreux blessés. 

En 1946, le gouvernement issu de la Libération reconnaît officiellement cette date comme jour chômé et férié.

Jusqu’en les ouvriers défilaient avec une églantine rouge à la boutonnière,  en l’honneur de Fabre d’Eglantine, l’auteur de La Marseillaise, qui avait institué une fête du travail pendant quelques années, à la fin du 18e siècle (cette journée tombait en pluviôse soit en janvier dans le calendrier révolutionnaire).

La tradition du brin de muguet 

Il devient habituel au début du 20e siècle d’offrir le 1er mai un brin de muguet, symbole du printemps en Île-de-France. Il s’agit d’une tolérance de l’administration fiscale qui permet aux particuliers et aux organisations de travailleurs de vendre des brins de muguet sans formalités ni taxe

A l’origine était le travail : une malédiction biblique

Notre mot  « travail » a une origine étymologique intéressante. Il est dérivé du latin « tripalium », sorte de croix de Saint-André, composée de trois (« tri ») pales (« palus », pieu). Elle était utilisée pour attacher les animaux afin de les soigner ou de les ferrer, et également comme instrument de torture pour les esclaves paresseux. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le mot serait apparu avec le sens contemporain de source de revenus puis d’activité productive.

Ainsi, l’injonction biblique « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » est-elle justifiée. Le travail est une sorte de malédiction, tout comme celle qui avertit la femme, descendante d’Ève, qui accouchera dans la douleur et dont on dit alors qu’elle est « en travail ». Le travail est en même temps un acte divin puisque Dieu « se reposa le septième jour » -ce qui laisse supposer qu’il a travaillé les 6 jours précédents- et aussi un acte humain rendu obligatoire par le départ forcé du paradis.  Et certes aujourd’hui le travail peut revêtir cet aspect de torture ainsi qu’on peut le voir par exemple dans l’affiche du film de Charlie Chaplin « Les temps modernes ». 

Jusqu’à une époque relativement récente, la fin du XIXe siècle, un aristocrate se devait de cultiver l’oisiveté : il eût été inconvenant et déshonorant qu’il travaillât. Au 19e siècle est en effet celui de la révolution industrielle, commencée en Angleterre, et qui a marqué l’entrée pour les aristocrates dans le monde du travail. 

Labeur et négoce

Il est intéressant de noter qu’en Latin le mot « laborem » signifie peine, effort. Il est à l’origine de toute une famille étymologique : labeur, laboratoire, labour, et tous leurs dérivés.

Un terme rattaché à ce champ lexical est le mot négoce et son contraire, l’oisiveté : en latin « negotium » (neg-) et « otium ». Le « negotium » qui désigne le monde des affaires. Jusqu’au 18e siècle,  on voyait dans la société deux sphères : la sphère des besoins -celle des serviteurs, des artisans, des paysans- et  celle de l’ « otium », c’est-à-dire celle des personnes dégagées des obligations de la vie quotidienne et donc servis par  l’autre sphère. 

De l’oisiveté comme art de vivre

Ce terme « otium », qui est l’étymon de « oisiveté », n’a pas du tout la connotation péjorative qui lui a été attribuée par la suite puisqu’il désigne le temps de l’étude, de la réflexion, de l’engagement pour la Cité ; une sorte de temps de loisirs de l’esprit, qui va de la pratique de la méditation à la lecture, en passant par la réflexion philosophique, la contemplation gratuite, la création artistique. Finalement toute activité qui contribue au développement personnel. Il s’agit d’une véritable recherche  de sens et de beauté, recherche de ce qui n’a pas de prix.  Dans l’Antiquité, le loisir était considéré comme l’un des moments les plus vertueux de la vie: l’ « otium cum dignitate » (Cicéron). 

Hibernation et autres confinements

Ces deux dernières années au cours desquelles nous avons dû rester confinés, certains n’ont pas hésité à cultiver l’ « otium » pour rester positifs et actifs. Ils ont trouvé un véritable art de vivre, alternative pour échapper à toute forme de démarche et d’aliénation mercantiles. Assurément, une nouvelle philosophie pratique de la vie qu’ il nous aura été donné de découvrir voire d’expérimenter lors de cette pandémie…

« Il ne manque à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler,  lire et être tranquille, s’appelât travailler », Jean de La bruyère.

Le travail en France en quelques dates:

C’est en 1841 qu’est votée la loi interdisant le travail des enfants de moins de 8 ans : au milieu du 19e siècle, en pleine révolution industrielle, la France faisait travailler les enfants dans les mines, dans les usines, etc. C’était une main d’œuvre peu chère,  reléguée à des tâches subalternes ou adaptées à leur petite taille. En outre, les enfants étaient souvent victimes de maltraitance.

1906 : la loi sur le repos hebdomadaire est promulguée. Elle accorde à tous les travailleurs un repos de 24 heures après 6 jours de travail ; il est à noter que la France est l’un des derniers pays européens à instaurer une telle loi. Et c’est peu après qu’est créé pour la première fois un ministère du travail.

1919 : au lendemain de la Première Guerre Mondiale, la journée de travail de 8h est revendiquée et votée. Puis la loi instaure, à salaire égal,  le principe des trois 8 : 8 heures de travail, 8 heures de repos et de loisirs, 8h de sommeil. Elle instaure donc de facto la durée légale du travail à 48 heures hebdomadaires.

1936 : dans le contexte d’une grave crise économique et à l’issue des élections législatives remportées par les partis de gauche,  le gouvernement de Léon Blum vote deux semaines de congés payés, pour tous les salariés, et la semaine de 40 heures, sans impact sur le salaire.

1950 : les années de l’après-guerre sont difficiles. Une loi créé le SMIG, garantie du salaire minimum.

1958 : le droit à un revenu de compensation ou assurance chômage apparaît, soutenu par le général de Gaulle.

1969 : après les accords de Grenelle signés en 1968 qui prévoit l’augmentation du SMIG, le gouvernement accorde la 4e semaine de congés payés.

1982 : 39 heures de travail hebdomadaire et 5e semaine de congés payés.

2000 : passage aux 35 heures grâce à la loi de Martine Aubry.

2016 : modification du code du travail, par la simplification.

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