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La communication violente « ordinaire » :

« Toi, tu es égoïste », « Quelle prétentieuse ! », « Lui, c’est un paresseux ! » Voici des exemples de phrases comme nous en avons tous entendu : des paroles blessantes,  un jugement à l’emporte-pièce qui peuvent contribuer à construire une image dévalorisée  de soi, particulièrement lorsque l’on est enfant. Ce qui fait le plus mal, est-ce l’adjectif ou le verbe ? Ce verbe « être » qui caractérise une personnalité, une identité, qui inflige une étiquette. Amalgame pernicieux entre « être » et « faire ». Derrière chaque reproche, chaque jugement, s’exprime un besoin insatisfait.

Être girafe ou chacal :

Dans les années 60, un psychologue américain, Marshall Rosenberg, suivant les traces de Gandhi, a créé le concept de communication non violente (C.N.V.). Il utilise la métaphore de la girafe car c’est l’animal qui a le plus gros cœur. Son pendant négatif est le « chacal ».Dans le langage de Rosenberg, « être girafe », c’est être pleinement conscient que nous choisissons ce que nous faisons. « Tout ce que nous faisons qui ne vient pas du cœur, nous le payons un jour ou l’autre. » Ce qui ne vient pas du cœur est fait par honte, par devoir, par obligation, par peur de la punition, pour obtenir une récompense ou de l’amour. Le concept de la girafe nous montre aussi qu’il faut observer plutôt que juger, rechercher les émotions et les besoins insatisfaits, formuler des demandes plutôt qu’exiger. Il s’agit tout simplement de faire preuve d’empathie, sans imposer à l’autre sa propre solution, son point de vue, une solution non négociable.

Les éléments de violence dans le langage :

Notre langage est porteur de trois éléments violents.

Les insultes sont les plus évidentes;  certaines peuvent prendre des formes plus ou moins implicites ou explicites, selon le ton, les mots employés et l’expression non verbale. L’accusation et la culpabilisation ne sont jamais loin de l’insulte ; très fréquentes dans l’éducation, elles sont liées à l’idée de récompense et de punition, au bien et au mal . Considérer que c’est la faute des autres si on est triste, en colère, c’est aussi de la violence… 

Vient ensuite le jugement. Pour commencer, il y a déjà un jugement quand on établit des comparaisons, ou bien quand on généralise abusivement (untel a remis un travail en retard, donc il n’est pas fiable). Nous sommes habitués à un mode de pensée binaire, considérant plus ou moins consciemment qu’il y a une juste dose pour chaque chose :  autrui  est trop ceci ou pas assez cela. En effet, on éduque les gens à se demander qui a raison et qui a tort, qui est bon ou mauvais. C’est un mode de communication binaire qui constitue un obstacle à la bienveillance et à la communication et qui génère de la violence.

La déresponsabilisation est une autre entrave à la bienveillance. Elle empêche l’individu de prendre pleinement conscience qu’il est responsable de ce qu’il dit et de ce qu’il fait.-  ainsi dans l’administration ou le système des S.S. qui a généré une obéissance aveugle à des ordres  relayés par plusieurs niveaux hiérarchiques, diluant  ainsi les responsabilités, au point de totalement déresponsabiliser les exécutants, fussent-ils des cadres de l’armée. 

Le principe du cœur : O.S.B.D. :

Dans la première partie de l’ouvrage de Marshall Rosenberg, le thème développé est l’expression sincère : le principe du cœur grâce auquel  un échange est authentique et bienveillant.  La méthode est synthétisée par la formule O.S.B.D., sur laquelle repose le principe de la communication non violente.

Observation : dans un premier temps, il s’agit d’observer la situation, de façon objective, lucide, sans aucun jugement, ce qui rejoint la  pratique de la méditation par exemple. On peut décrire les fronts comme on le ferait d’une photo en restant factuels ; on obtient ainsi un effet d’entonnoir. Il faut séparer les faits de l’opinion

Sentiment : il s’agit de se demander quel ressenti, quelle émotion on éprouve. Il faut s’exprimer en disant « je ».

Besoin :  il faut se demander quel besoin fondamental n’a pas été pris en compte : besoin de respect, de justice, de reconnaissance, d’amour, de dignité, d’égalité, de sécurité, etc. Les émotions douloureuses révèlent nos besoins fondamentaux. Il s’agit d’une empathie à restaurer avec soi-même ou les autres.

Demande : il s’agit de formuler une demande concrète pour solliciter de la bienveillance volontaire chez son interlocuteur, non pas pour que ce dernier obtienne une récompense ou par crainte d’une punition ou par culpabilité, mais parce que notre interlocuteur souhaite contribuer à notre bien-être. Le ton employé pour la demande doit bien sûr être celui d’une demande sincère : il faut employer les mots qui soient «  des fenêtres et non des murs », pour reprendre la métaphore de Marshall Rosenberg.

Un nouvel Humanisme :

La CNV constitue donc une clé efficace pour gérer les conflits, mieux cerner ses propres besoins, et un moyen très concret de faire de la spiritualité une sagesse pratique au quotidien.

Elle nous  rappelle que, de façon naturelle, l’être  humain aime contribuer au bien-être des autres : elle est porteuse d’un authentique et bel humanisme.

Irène Gahéry

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